Changement ou transition ?
Comme je l’évoquais dans le post précédent, une transition est composée de 3 étapes : la fin de quelque chose (apportée par le changement), une zone d’entre-deux, un nouveau départ ou commencement.
Faire une transition est un processus difficile : on doit lâcher prise sur la situation ancienne, on souffre de la confusion de l’entre-deux, et on doit trouver le courage d’aller vers la nouvelle situation.
La transition est un processus de désorientation et de réorientation sur notre chemin de croissance personnelle.
Dans la nature, la croissance implique des accélération et transformations périodiques. Les choses vont lentement, on peut avoir l’impression qu’il ne se passe rien, jusqu’à ce que la coquille de l’œuf craque, les bourgeons fleurissent, les feuilles tombent, l’hibernation commence.
Pour nous êtres humains, c’est la même chose, même si les signes sont moins clairs : les fonctions de la transition sont les mêmes, ce sont des moments clés du processus naturel de développement et d’auto renouvellement.
Les choses vont changer, c’est la seule chose dont nous pouvons être certains. Le changement est devenu la norme aujourd’hui et nous devons trouver des moyens de les gérer efficacement, et rapidement.
Lorsque nous traversons des périodes de transition personnelle, que rien n’est sûr, que tout est à venir, nous pouvons le tolérer si ça a du sens pour nous, si nous sommes certains que ça va nous amener vers un objectif que nous nous sommes fixés. Et si ne voyons pas à quoi ça va nous servir, si nous ne pouvons avoir de vision globale, c’est juste stressant.
Se remettre de la perte d’un être cher, se reconstruire après un divorce, changer de travail, etc. peut être très douloureux.
Parfois, c’est comme si on voulait traverser une rivière pour s’ arrimer de l’autre côté, pour se rendre compte au milieu du gué qu’il il n’y a pas de ponton pour ça. Pas moyen d’aller de l’avant, et pas moyen de revenir en arrière.
Ceux qui ont choisi de faire les changements (qui les ont propulsés dans cette phase de transition) ont tendance à minimiser l’importance de la fin de la situation précédente, comme si cela devait être facile puisqu’ils allaient vers du mieux.
Même si ça ne l’est pas.
D’un autre côté, ceux qui se retrouvent dans l’état de transition sans l’avoir voulu, quand le changement est subi, ont du mal à d’admettre que quelque chose de bon et de nouveau les attend de l’autre côté.
Ils mettent autant de cœur à ne pas voir ce qu’il y a de bon dans la transition que l’autre groupe mettait à nier leur souffrance par rapport à la fin de situation précédente.
Mais ils sont tous d’accord pour dire que la phase entre les deux pôles est bizarre et pleine de confusion. Ils espèrent tous pouvoir en sortir.
Dans un groupe de parole que j’animais sur ces sujets, j’ai proposé d’aborder la notion de fin d’une situation.
Dans ce groupe très hétéroclite, il y avait une jeune femme qui avait accouché il y a peu, et qui s’est énervée : « mais mon fils ne part pas à l’université ! je cherche juste le moyen de m’adapter à ma vie avec un enfant ! » Elle avait le sentiment de vivre le commencement de quelque chose de merveilleux, elle ne voulait pas parler de fin.
Son enfant était vraiment un merveilleux bébé, ce qu’elle a répété plusieurs fois, elle avait juste quelques petits problèmes. Elle voulait avoir l’avis des autres personnes du groupe : combien de temps de devait elle laisser pleurer ? Comment faire pour que son mari l’aide davantage ?
En un instant, les conseils ont fusé de toute part. Mais cela ne l’a pas aidée elle avait déjà tout entendu ou lu à ce propos avant même que le bébé soit arrivé. Cela l’a agacée encore plus.
Et alors sa colère est montée : d’abord contre son mari, qui n’était pas assez présent et se reposait trop sur elle… ensuite contre sa mère qui ne lui avait jamais dit ce que c’était d’être une mère, ensuite contre le bébé qui rendait tout si difficile, et enfin contre les autres participants du groupe, qui certes lui soutirant gentiment avec un air de commisération mais qui en fait se moquaient complètement du fait qu’elle soit en train de partir en vrille.
On était bien loin du merveilleux petit bébé pour lequel elle avait juste besoin d’un peu de conseils.
Et elle a commencé à expliquer de façon très émue ce qu’elle attendait de la vie, de son désir d’enfant. Elle était mariée depuis trois ans quand elle est tombée enceinte. Ils étaient vraiment heureux, ils voulaient tous les deux des enfants, donc ils pensaient que c’était la consécration de leur amour et s’attendaient à vivre sur un petit nuage.
Mais aucun des deux ne s’attendait à ce qu’un être aussi petit (et tellement désiré) puisse être aussi difficile à comprendre, exigeant et envahissant.
Sa colère est retombée, et elle a soupiré « nous ne sommes plus jamais seuls tous les deux, j’adore vraiment mon bébé mais la liberté et la facilité de notre vie d’avant ont disparu. On ne peut plus partir sur un coup de tête, il faut tout planifier longtemps à l’avance. Tout tourne autour du bébé et de son confort. On se sent prisonnier parfois. J’ai le sentiment que ce n’est même plus ma propre vie !
Et cette jeune femme qui ne voulait pas parler de fin, pour se concentrer sur le commencement de sa vie de maman, venait juste de prendre conscience de toutes les fins qu’elle devait accepter par rapport à sa vie d’avant.
Elle ne l’avait pas vu de cette manière, mais maintenant elle réalisait que c’est comme si elle avait passé un seuil et qu’il n’y avait plus moyen de revenir en arrière. Son ancienne vie avait disparu, et elle ne savait pas encore ce qui l’attendait.
Elle a demandé : « Comment ça se fait que personne ne m’en ai jamais parlé ? Tout le monde vous félicite sur votre nouvelle vie, avec un enfant, mais vous devez faire le deuil de votre ancienne vie tout seul »
Et ça personne ne vous le dit.
C’est juste un exemple. En fait, beaucoup de gens sont embarrassés à l’idée de parler des difficultés qu’ils rencontrent dans les phases de transition. Ils ont l’impression qu’ils ne peuvent pas gérer ce s’ils pensent être une situation ordinaire de la vie, dont ils imaginent que tous les autres y arrivent facilement. Et pas eux…
En fait c’est une projection. Ils ne peuvent pas connaître le ressenti réel des autres qui sont déjà passés par là avant eux, puisqu’ils n’en parlent pas, qu’ils ne partagent pas et ne demandent pas conseil.
Parce que les autres, si on les interrogeait, diraient à quel point cela a été compliqué aussi pour eux, parfois long, qu’ils ont douté, qu’ils ont aussi failli perdre la foi et renoncer, mais ils ont tenu bon et ont fini par y arriver et que maintenant ça va bien.
Sans doute par pudeur, ou peur de passer pour une personne faible, la plupart des gens trouvent difficile de partager leurs expériences sur l’impact inattendu de la fin de quelque chose dans leur vie. Ils se disent qu’ils devraient y arriver… Et s’en veulent parce qu’ils n’y arrivent pas.
Dans un prochain post, je parlerais plus en détail de cet impact, et des suites de la transition.