Le syndrome de « l'aidant sans le sou »

Traduit de l’anglais « penniless healer syndrome » le syndrome de « l’aidant sans le sou» est une « maladie » qui touche de nombreux praticiens de bien-être, énergéticiens, coaches etc. qui veulent tellement avoir de nouveaux clients qu’ils acceptent de travailler pour la moitié, voire pour un tiers de ce qu’ils pourraient demander.

Il y en a même qui travaillent pour rien en pensant que cela va leur ouvrir des portes et leur apporter du business dans un avenir proche. Je l’ai fait, je comprends très bien qu'on puisse croire cela !

Il semble que je ne sois pas la seule dans ce cas. Je connais beaucoup de gens qui sont prêts à travailler pour moins que ce qu’ils pourraient demander, de peur que le « vrai prix » fasse fuir les clients potentiels.

Les objections comme « c’est trop cher », « je ne peux pas me le permettre » « ce serait un sacrifice » etc. semblent difficile à contrer !

Nous sommes nombreux à avoir essayé de nous persuader nous-mêmes que c’était une bonne chose de travailler pour très peu (quand ce n’était pas pour rien), voire même en perdant de l’argent, car nous espérions que cela allait nous amener des affaires ou faire venir à nous de nouveaux clients.

Oui, je le reconnais bien humblement, j’ai emprunté ce chemin aussi.

Avec tout ce que cela suppose de frustrations et de rancœur, ce qui n’est bon ni pour le moral ni pour le teint. Car la frustration et le ressentiment s’incrustent sur les visages et la meilleure esthéticienne du monde et la crème de jour avec les principes actifs les plus puissants n’y pourront rien changer !

En plus d’avoir pour effet un vieillissement précoce, la politique du bas prix ne peut pas marcher, pour trois raisons :

1- La valeur ne peut être égale à zéro.

Lorsque j’étais à la fac, j’avais deux bons copains, qui voulaient tous les deux une voiture, symbole de liberté et d’indépendance.

L’un des deux a bossé comme un fou, en plus de la fac, pour s’acheter une 205 d’occasion (je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre, comme disait ce bon Charles Aznavour). Et cette voiture, il la chérissait comme la prunelle de ses yeux. Il en prenait grand soin. Elle était impeccablement entretenue, on aurait pu manger par terre !

L’autre, dont les parents avaient beaucoup d’argent, s’est vu offrir une Volkswagen, une golf GTI noire (le must à cette époque) pour ses 20 ans. Il a bien un peu frimé au début, et il attirait plus les filles que l’autre.

Mais ça a vite changé. Non seulement il conduisait comme un fou, parfois dangereusement, mais il ne prenait pas soin de son bolide, qui au bout de quelque mois ressemblait à une poubelle, toute cabossée et rayée. Plus personne ne voulait monter en voiture avec lui.

Alors que la 205, qui était nickel, propre, bien entretenue attirait toutes les convoitises !

Pourquoi ? Question de valeur perçue.

Le propriétaire de la 205 accordait beaucoup de valeur à sa voiture, et cela faisait envie. L’autre n’y accordait que peu d’importance, et de ce fait, les autres personnes aussi.

Cet exemple est duplicable à l’infini. Nous accordons des valeurs différentes aux objets et aux choses. Cela peut bien entendu être lié à leur prix, mais aussi à des tas de raisons toutes plus subjectives les unes que les autres. La notion de valeur est très personnelle.

Les gens reconnaissent la valeur d’un objet, ou d’une relation d’affaires, quand ils voient que l’autre partie lui accorde de la valeur. Donc si vous voulez que vos prospects et clients vous reconnaissent cette valeur, vous devez commencer par la reconnaître et ne pas travailler gratuitement ou à des taux ridiculement bas.

2- Vous n’êtes pas une organisation à but non lucratif.

Les actions humanitaires ou de charité, c’est super, il en faut. Vous pouvez choisir de soutenir celles qui résonnent avec vos convictions.

Mais même les associations et autres structures à but non lucratif doivent gagner de l’argent pour couvrir leurs charges et ne pas mettre la clé sous la porte.

Pour nous, c’est pareil.

Combien de clients gratuits ou à taux très bas accepterons-nous avant de mettre la clé sous la porte ? Sans doute pas beaucoup avant que nous commencions à douter de la justesse du choix de se mettre à votre compte pour gagner sa vie !

Les « bons » clients comprennent que pour obtenir un bon produit, il faut mettre le prix. Ne nous bradons pas !

3- Ce n’est pas juste !

Pensons à tous les gens prêts à payer pour nos services. Nous ne les connaissons peut être pas encore, mais ils existent. Peut-être même qu'ils nous cherchent aussi ?

Et ajoutons tous ceux qui payent déjà pour nos services. Est-ce que c’est juste pour ceux qui payent de gratuitement nos services à d’autres personnes ? Je pense que s'ils l’apprenaient, ils risqueraient de ne pas comprendre voire de ne pas apprécier ! Ou de penser que ce que nous proposons n'a décidément pas beaucoup de valeur, puisque nous le donnons. Donc pourquoi continueraient-ils à payer ?

Pensons à plus long terme : lorsque vous faites un prix à quelqu’un, comment allez-vous lui demander le prix fort après ? Comment lui faire accepter, alors qu’il sait à quel tarif nous avons accepté de travailler avec lui ? C'est le principe des sites d'achat groupé, où on peut obtenir une remise substantielle sur un produit ou un service. On peut acheter des produits ou des prestations de tous ordres à des prix défiant toute concurrence, mais on retourne rarement si jamais chez le prestataire pour acheter de nouveau au vrai prix.

C’est une pente savonneuse, sur laquelle vous préférerez sans doute ne pas vous aventurer !

Donc finissons-en avec ce syndrome de l'aidant sans le sou , qui dit en substance « je ne peux pas faire payer cher les gens qui ont besoin de moi, ce serait indécent. J’ai un don, je ne dois pas me faire payer pour ça, et je dois en faire profiter le plus grand nombre »

Oui, c'est beau, c'est noble même. Et assez stupide.

Si nous ne gagnons pas assez d’argent, nous allons devoir en faire de plus en plus, jusqu'à ce que ce soit trop, nous allons nous épuiser, en plus de la frustration et de la rancœur. Et nous ne pourrons plus le faire du tout.

Si nous ne pouvons pas vivre de ce que nous voulons faire, nous allons devoir faire autre chose qui nous permette de vivre, et n’a sans doute rien à voir, et là nous n’aiderons plus les gens comme nous pourrions le faire.

Bon okay, nous pourrions continuer à le faire un peu, pour l’argent de poche. Mais ça pourrait vite devenir frustrant…

Deux remarques :

En premier lieu, tout ce qui précède ne veut pas dire qu’il ne faut jamais accorder de remise, travailler à un tarif inférieur, ou même offrir des séances. Non, seulement cela veut dire que nous ne devons pas commencer comme ça, en pensant que cela va attirer plus de clients.

C’est quelque chose que nous pouvons faire avec des clients fidèles, dont nous voulons justement récompenser la fidélité, ou pour remercier quelqu’un qui nous a apporté du business, ou nous a recommandé. Nous pouvons même verser des commissions à un apporteur d’affaires, quand l’affaire se fait.

Il reste possible faire des séances ou donner une conférence gratuitement, ou accepter de travailler à tarif vraiment réduit, pour apporter sa collaboration à une cause. Je le fais de temps en temps, parce que c’est ma façon de contribuer. Mais c’est moi qui choisis les personnes et les causes ! Et ce n’est pas du business, c’est de l’humanitaire !

On dit qu’on enseigne le mieux ce dont on a le plus besoin.

Et je peux vous dire que là je bois mes propres paroles en me disant que je devrais écouter ce que je dis, et l’appliquer. Parce que pour moi c’est difficile, pas mal de croyances limitantes à libérer encore. J’y travaille depuis un moment et j’avance. A pas mesurés, mais j’avance.

Ceux d’entre vous qui ne sont pas à leur compte vont sans doute me dire, « c’est bien joli tout ça, mais je ne suis pas concerné moi, je suis salarié, je ne décide pas de mon salaire ni des augmentations, je n’ai pas le choix ! » Oui d’une certaine façon c’est vrai.

Mais vous pourriez aussi changer de travail si vous estimez ne pas être reconnu à votre juste valeur là où vous êtes. Oui, je sais la crise, le marché de l’emploi, tout ça tout ça… Peut être même que vous pensez que vous êtes la seule personne à pouvoir faire ce que vous faites, que vous ne pouvez pas partir… Ben si, quoi, il y en a qui pensent qu'ils sont indispensables.

Ce sont des excuses.

Vous pourriez faire une formation pour monter en compétences dans votre domaine et grimper les échelons, vous pourriez vous reconvertir et apprendre un nouveau métier, vous pourriez créer une entreprise. Tout est possible.

Et non, ce n’est pas une question d’âge.

Pour illustrer, laissez moi vous parler d'un public que je connais bien, les créateurs d’entreprise. J'ai accompagné en formation plusieurs groupes par an pendant 10 ans. Le plus jeune aspirant créateur avait 19 ans, le plus âgé 65 ans. ça laisse de la marge, non ?

Attention, je ne dis pas que tout le monde doit se mettre à son compte, c’est un exemple.

Ce que je dis c’est que si vous reconnaissez votre propre valeur, vous oserez pendre des risques pour changer ce qui ne va pas.

Je l’ai fait il y a 15 ans en quittant un travail intéressant et plutôt bien payé mais où je ne me retrouvais plus, et qui n’avait plus de sens. Je ne me sentais pas reconnue à ma juste valeur, alors je suis partie pour la retrouver.

Chemin long et difficile mais ça en valait la peine. Je n’ai jamais regretté ce choix. J’ai encore du boulot pour être parfaitement à l’aise avec les tarifs que je souhaite pratiquer, mais j’y arrive.

J’ai sincèrement envie de partager ce que j’ai appris et qui m’a aidée, et si je peux aider d’autres à le faire, j’ai le sentiment de remplir ma mission. Oui, j'ai une mission et elle n'est pas impossible.

Mais je ne le ferais plus à mon détriment. Je ne suis plus le magnifique Sauveur que j’ai pu être.

En fait, je me suis guérie du syndrome du Sauveur et du syndrome de l’aidant sans le sou. Bon, d’accord encore en convalescence pour le deuxième, mais ça va beaucoup mieux !

Et vous, dans quels domaines de votre vie « jouez-vous » à cela ? Dans quels contextes oubliez-vous votre propre valeur, en vous laissant faire, en vous laissant dire, en vous laissant traiter mal ? Dans quelles circonstances êtes vous « sans le sou par rapport à vous même ?»