Changement

Dans ma pratique professionnelle, que ce soit en coaching ou en formation, une problématique revient fréquemment : les gens veulent changer une situation qui n'est pas confortable, ou changer quelque chose en eux.

Jusque-là, tout va bien, c'est l'essence même de mon métier, accompagner les gens vers un changement positif durable.

Ce qui complique la donne, c'est que bien souvent, ils veulent que ce soit les autres ou les circonstances qui changent.

Ainsi ils pensent que les « autres » ne « devraient » pas agir ou réagir comme ils le font, ils « devraient » savoir que ça ne se fait pas, que ce n’est pas gentil, que ce n’est pas comme ça que les choses doivent être faites, ils « devraient » s'en rendre compte et arrêter de les traiter ainsi, ils « devraient » ... à vous de compléter, je suis sûre que vous l’avez dit ou pensé au moins une fois, si ce n’est des tas de de fois. Je l’ai fait aussi, alors hein...

En fait personne ne « devrait » rien du tout.

Chacun de nous fait de son mieux, en fonction de ce qu’il ou elle est, et de ce qu’il ou elle sait au moment où il ou elle le dit ou le fait. Il n’y a pas de malice, il n’y a pas d’intention de nuire. Chacun de nous fait vraiment de son mieux à tout moment.

Chacun de nous a sa perception qui lui fait voir les choses d’une façon qui lui est propre, et qui s’explique par son histoire, ses croyances, ses valeurs, etc.

Oui, même quand ça semble faux, inadapté, méchant, égoïste…

Mais enfin, comment ça se fait « qu’ils » ne voient pas, c’est évident pourtant !

Oui pour vous, dans votre carte du monde, c’est de cette façon que les choses doivent se faire, mais visiblement leur vision est différente.

Et oui, je suis d'accord, dans un monde idéal, comme celui des Bisounours (dont je dois avouer que j'ai longtemps été une des Reines !) tout le monde se comporterait de façon civilisée et aimable, en respectant les sentiments et les sensibilités de chacun.

Dans ce monde idéal, personne ne serait blessé, froissé, humilié, insulté, meurtri, marri, offusqué, outré, vexé… Là aussi, vous pouvez ajouter vos synonymes !

La réalité est que ce n'est pas comme ça.

Mais alors pas du tout. C’est un mythe total.

La réalité est que les autres peuvent parfois être irrespectueux, impertinents, impolis, blessants, désagréables, agressifs sans raison (apparente), centrés sur eux-mêmes et ne tenir aucun compte de nous. Vous l’avez sans doute vécu. Moi aussi, et plusieurs fois encore.

La réalité est que nous pouvons nous sentir blessés ou humiliés, mal compris, mal considérés, mal traités… Je ne parle pas de l’intention de l’autre, je parle de notre ressenti. Ce qui compte c’est ce que nous ressentons, ce que nous avons cru comprendre du comportement de l’autre et ce que cela nous fait à nous.

Donc, la question est, que faisons-nous avec la réalité ?

Continuer à se draper avec panache dans sa dignité outragée, trouver que c’est injuste, continuer à penser qu’« ils devraient » ne sert pas à grand-chose… Sauf à nous faire souffrir encore plus.

En fait, pour changer quoi que ce soit qui ne nous plait pas, il est nécessaire de commencer par accepter ce qui est.

Ah non, pas ça ! Tout mais pas ça ! Si j’accepte ce qui est, je ne voudrais plus le changer, je vais me contenter et ce sera pire !

Que nenni, mes bons amis.

Accepter ce qui est, sans juger, sans blâmer, sans critiquer, être dans l’acceptation pleine et entière, est l’unique façon de faire.

Oui, je sais, c'est très agaçant, et j'en ai énervé plus d'un avec cette idée.

D'ailleurs, pour être tout à fait honnête, j'ai été la première à la rejeter quand j'en ai entendu parler. C'était tellement dérangeant, que j'ai détesté et fermé le livre qui en parlait avec force. J’ai même failli le jeter contre le mur, pour dire. J’ai résisté tant que j’ai pu en haussant les épaules et en disant « n’importe quoi vraiment, il y en a qui écrivent de sacrées âneries ! » (En fait je ne l'ai pas dit comme cela, mais bon, c'est un blog politiquement correct ici. )

Allez, je n’ai pas peur, je dénonce l'auteur de cette idée :

Puis, subrepticement, sans que je m'en rende compte, cette idée subversive a fait son chemin en moi, pour finir par s'imposer comme une logique imparable.

Force est de constater qu’essayer de prendre de l'ascendant sur quelqu'un pour avoir « raison », ou se maltraiter soi-même pour se faire bouger dans la « bonne direction » ne marche pas.

Cela revient à déclarer la guerre, que ce soit à d'autres ou à soi-même. Ce qui va immanquablement créer un vainqueur et un vaincu.

Et si quelqu'un perd, tout le monde perd. Le jeu dit « gagnant-perdant », est en fait un jeu « perdant-perdant. »

Il n'est pas possible de créer quelque chose de positif en partant du négatif. Je le sais, j’ai essayé pour bien des choses. Mais ça n’a pas marché.

Alors, certes je suis têtue comme un troupeau de vieilles mules (merci à mon père pour ce qualificatif, dont je suis assez fière en fait) mais pas obtuse. Donc j’ai cherché une autre façon de faire.

Et j’ai compris qu’accepter « ce qui est » prenait tout son sens.

Accepter les choses comme elles sont ne veut pas dire renoncer à changer quoi que ce soit, bien au contraire.

Accepter veut dire que nous cessons de bloquer notre énergie dans un combat inutile.

Accepter veut dire que nous libérons cette énergie pour la diriger vers ce qui est bon pour nous.

Accepter veut dire que nous faisons preuve de bienveillance pour ce qui est, qu'il s'agisse des autres ou de nous-mêmes.

Nous n'en sommes pas là par hasard, nous avions des choses à vivre et à comprendre. Lutter contre cela est vain et épuisant.

Et oui, c'est paradoxal, mais pour pouvoir changer quoi que ce soit, nous devons commencer par l'accepter entièrement et totalement, sans jugement, sans critique.

Pas facile, car beaucoup d'entre nous ont été habitués à avancer à coups de pied au derrière, on nous a plus souvent montré ce qui n'allait pas, plutôt que ce qui allait bien.

Et nous avons intégré cette idée qu'il ne fallait pas accepter ce qui ne va pas chez nous, ou chez les autres, et qu'il fallait se battre pour le changer.

C'est tellement fatigant.

Et pourtant :

Alors pourquoi ne pas essayer autre chose ?

Et pour terminer, un petit conte à méditer :

Un roi se promenant dans les jardins de son palais fut très étonné de voir tout autour de lui des arbres, des buissons et des fleurs qui dépérissaient.

Il leur posa alors la question : « mais pourquoi êtes-vous ainsi en train de mourir ? Mes jardiniers ne vous donnent-ils pas tous les soins nécessaires ? »

Le chêne dit qu'il se mourrait de désespoir, parce qu'il ne pouvait pas être aussi grand que le pin.

Le roi se tourna alors vers le pin, qu'il trouva agonisant parce qu'il désespérait de ne pas porter des grappes de raisin comme la vigne.

Et la vigne se laissait mourir parce qu'elle ne n'acceptait plus de ne pouvoir s'épanouir comme la rose.

Triste et un peu accablé, le roi continua sa marche et vit alors une pensée, tout en fleurs et plus fraîche que jamais.

Il lui demanda alors « comment se fait-il que tu sois si belle et pleine de vie ? »

Et la fleur répondit « Il m'a paru évident que, lorsque tu m'as plantée, tu désirais une pensée. Si tu avais voulu un chêne, une vigne ou une rose, tu les aurais plantés. Aussi ai-je pensé que puisque je ne pouvais être autre chose que ce que je suis, j'essaierai de l'être au mieux de mes capacités. »

Alors, vous choisissez quoi ?

Quelle « pensée » voulez-vous avoir ?