Savoir dire non et poser les limites

Vous est-il déjà arrivé de vous faire « allumer » par quelqu'un, que vous ayez ou pas fait quelque chose pour justifier une telle réaction ?

Et dans ce cas, avez-vous tendance à réagir sur le même ton, ou dans des termes similaires ?

Avez-vous remarqué que votre légitime réaction et vos explications sensées calment rarement le jeu, bien au contraire ?

Et que plus vous vous tentez de vous expliquer, voire de vous défendre, plus l'attaque devient encore plus mordante, voire méchante ? Et avec la colère et l’énervement, arrive au galop la mauvaise foi, leur comparse malfaisante ?

Voilà un piège dans lequel bon nombre d'entre nous sont tombés souvent, moi comme les autres. Ce n’est pas que j’aime cela, bien au contraire, mais je ne savais pas trop quoi faire d’autre.

Alors j’ai réfléchi à la question, il devait y avoir une autre façon de faire, car faire plus de ce qui ne marche pas ne marchera pas davantage.

Au début d’une relation, qu'elle soit amicale, amoureuse, professionnelle ou sociale, chacun de nous teste (en général inconsciemment ) les réactions de son ou de ses partenaires pour savoir jusqu'où il ou elle peut aller. On cherche les limites, quoi.

C'est à partir de ce moment-là que nous « enseignons » aux autres, le plus souvent inconsciemment, la façon dont nous voulons, ou acceptons d'être traités.

ET OUI, NOUS EDUQUONS LES AUTRES A LA FAÇON DONT ILS PEUVENT SE COMPORTER AVEC NOUS !

Oui, je sais, je viens de crier, mais c’est pour être sûre que tout le monde m’entende !

Alors je vais même répéter :

Par notre attitude, en ne fixant pas et/ou en ne rappelant pas les limites, en ne disant pas NON quand ils dépassent les bornes, nous leur montrons comment ils peuvent nous traiter, ce que nous allons accepter et ne pas accepter, ce que nous allons laisser dire ou faire, etc.

Nous devenons prévisibles, et donc en quelque sorte manipulables. Pas joli joli tout ça…

Nous sommes comme coincés dans un jeu, pas drôle du tout. Et tant que nous ne saurons pas remettre les règles de ce « jeu » en cause, nous serons condamnés à jouer, même si cela ne nous amuse pas.

Un bon moyen de casser la dynamique de ce jeu malsain est d’être là où on ne vous attend pas.

Si une personne vous agresse verbalement, ou fait quoi que ce soit d’autre qui ne vous plaise pas, au lieu de « foncer dans le tas », commencez par vous taire. Oui, je sais, ce n’est pas facile, quand la verte répartie vous brûle les lèvres !

Respirez. Prenez deux ou trois grandes respirations, qui vous permettront de prendre un peu de recul et ne pas réagir du tac au tac. Refusez d’entrer dans le jeu.

Ayant ainsi interrompu la réaction automatique, vous pourrez mieux identifier ce qu'il ou elle cherche à provoquer chez vous, et vous pourrez alors choisir quelque chose de différent.

Laissez moi vous donner quelques exemples de ce que j’ai fait dans des cas « délicats »

Il y a fort longtemps, dans mon « autre vie » de salariée, j’ai dû un jour présider une réunion avec des collègues pour le moins indisciplinés, dont la capacité de concentration était proche du zéro absolu. Ça rigolait, ça s’apostrophait joyeusement, ça discutait, bref, pas du tout envie d’écouter les points de l’ordre du jour, et l’heure tournait.

J’ai essayé de ramener le calme pour que l’on puisse continuer la réunion, mais il n’y avait rien à faire. Mes appels à la raison et au silence n’étaient pas entendus, normal il faisait tellement de bruit !

Donc j’ai décidé de faire quelque chose auquel les gens ne s’attendaient pas. J’ai pris mon courage à deux mains (ou à deux pieds en fait ?) et je suis montée sur une chaise, puis sur une table et je suis restée là sans rien dire.

Certains ont commencé à se pousser du coude, à interpeller les autres en me désignant du doigt et en riant. Et là, je peux vous dire que j’ai eu toute leur attention. Alors, du haut de mon perchoir j’ai demandé « ça va ? Et maintenant que j’ai votre attention, on peut continuer la réunion ? »

Et je suis redescendue sous un tonnerre de d’applaudissements. Certains m’ont suggéré de continuer à animer la réunion de là-haut, mais j’ai décliné la proposition, aussi tentante soit elle. Cela aurait pu être drôle, j’avais atteint mon but.

Quelques années après, j’ai animé une formation avec un public en réinsertion professionnelle, qui là non plus n’est pas forcément le plus attentif.

Je n’arrivais pas à ramener le calme pour pouvoir continuer le cours. Alors au lieu de crier, de tempêter, d’exiger le silence et le respect, comme certains de mes collègues faisaient avec zéro résultat, je me suis assise derrière le bureau. Comme je ne le faisais jamais d’habitude, cela en a déjà surpris quelques-uns.

Et j’ai continué à parler de plus en plus doucement jusqu’à ce que ça ne soit plus qu’un murmure. J’ai continué mon cours en chuchotant, en souriant, et en les regardant avec une bienveillance amusée.

Ils ont fini par se rendre compte que je ne parlais plus, ils m’ont dit « mais Madame on n’entend rien ! » ce à quoi j’ai répondu à voix haute : « A bon ? Comment est-ce possible ? »

Ils ont commencé à rire et j’ai dit « on peut continuer comme ça, vous de votre côté, et moi du mien, mais ce n’est pas très intéressant. Qu’en pensez-vous ?

C’était un cours sur la communication. Je leur ai rappelé qu’il était normal qu’ils aient des choses à dire, que j’étais prête à les entendre, mais pas tous en même temps, et qu’il fallait qu’ils me laissent aussi en placer une de temps en temps. Alors on a fait un deal. Et les autres cours se sont déroulés en toute harmonie.

À titre privé ça marche aussi.

Notre fille, Laura, devait avoir deux ans et nous étions à table un soir. Son père qui est un homme posé, calme et toujours d’humeur égale, semblait fort contrarié par quelque chose ce jour-là. Et lui qui d’habitude, disait rarement « un mot plus haut que l’autre », trouvait à redire à tout.

Ce que j’avais préparé comme dîner ne lui convenait pas, le pain n’était pas bon, notre fille mangeait salement, elle ne se tenait pas bien à table (elle avait 2 ans , une enfant de cet âge mange rarement avec le petit doigt en l'air !). Bref il cherchait visiblement la bagarre. Et je dois dire qu’avec toutes ces remarques ça commençait à chauffer à l’intérieur de moi ! Comme dirait ma fille, qui a 22 ans, aujourd’hui « j’étais à deux doigts de bouillir ! »

Et là, plutôt que d’éclater et de lui « rentrer dans le lard » (ce que je reconnais j’avais très envie de faire !) , je me suis demandé ce que je pourrais faire de différent. Etre là où il ne m’attendait pas du tout en fait.

J’ai pris une grande inspiration, et avec le plus beau des sourires je lui ai demandé « et à part ça tu n’as pas quelque chose de gentil à dire » ?

C’était tellement inattendu, voire inopiné, il m’a regardée, complètement interloqué, et s’est soudain dégonflé comme une baudruche en disant « j’ai eu une mauvaise journée ». Toujours avec le plus beau des sourires j’ai répondu « on aurait peut-être pu commencer par-là ».

L’incident était clos. J’avais sauvé notre soirée.

Une autre fois encore, j’avais rendez-vous avec un ami proche pour boire un thé après le boulot (c’est ma façon à moi de « prendre un verre »). Il était visiblement très contrarié par quelque chose qu’il ne me disait pas.

De mon côté j’avais passé une super journée, j’avais animé une formation avec un groupe génial, j’étais encore sur un petit nuage de satisfaction, où j'avais bien l’intention de rester.

Tout en sirotant mon thé, j’écoutais mon ami, qui continuait à déblatérer sur la terre entière, et à m’expliquer à quel point sa vie était difficile.

Comme je ne réagissais pas autrement que par des hochements de tête, il m’a dit « c'est sympa, on dirait vraiment que tu t’en fous de ce que je te raconte ».

Ah ah celle là, je l’avais vu venir, j’étais prête.

Alors toujours avec un beau sourire, j’ai dit « non, je ne m’en moque pas, je t’écoute. Mais vois-tu, tu ne m’emmèneras pas là où tu veux m’emmener. J’ai eu une excellente journée, je n’ai pas l’intention de la laisser gâcher par une dispute avec toi. Alors, je vais rentrer, et on se verra un autre fois. »

Et à sa grande surprise, je me suis levée et je suis partie. Il ne m’a même pas retenue, tellement il était stupéfait.

Cet ami m’a dit plus tard que ça l’avait vraiment énervé sur le moment (juste un peu plus en fait !) qu’il m’en avait voulu (au moins il avait une bonne raison maintenant, non ?) Et puis après, avec le recul, il s’était rendu compte que j’avais raison. Il m’a même présenté des excuses. Je n’en demandais pas tant, mais je les ai acceptées avec grâce.

Nous éduquons les gens à la façon dont ils peuvent nous traiter, vous vous souvenez ? Oui, je me répète, pour une bonne raison :

« La répétition est la mère des compétences ». Tony Robbins est un des premiers auteurs de développement personnel que j’ai lu !

Et la bonne nouvelle est que nous pouvons « rééduquer » les autres si nécessaire, et leur faire comprendre que nous ne jouons plus au même jeu. Et il n’est jamais trop tard.

Souvenez-vous aussi que pour se battre, il faut être deux. Si l'un refuse le combat, il s'arrête.

Ce n'est pas toujours facile de retenir la réponse cinglante ou la justification, surtout lorsque l'autre vous connait bien et sait sur quels boutons il faut appuyer pour vous provoquer.

Mais à terme, vous serez perdant. Et même si l’un des deux pense avoir eu le dessus (« tu as vu, je l’ai bien mouché(e) là ! »), dès que l'une des deux parties perd, tout le monde perd. Le jeu gagnant-perdant n'existe pas, c'est toujours perdant-perdant.

Cela vaut la peine d'y réfléchir et d'éviter cela, non ?

Et ne vous y trompez pas, être là où on ne vous attend pas n'est pas de la lâcheté, ou de la fuite. Au contraire même. C'est une forme de compassion pour vous-même et pour l'autre. C’est aussi refixer les limites, et clarifier les choses.

Pour ma part, en règle générale, que ce soit mes proches, mes amis et même mes clients, ils sont souvent étonnés par les conseils que je leur donne, parce qu’ils s’attendent à ce que je leur dise telle ou telle chose (qu’ils se sont déjà dit et répété tout seul, ils n’ont pas besoin que j’en rajoute) et ce n’est pas ce que je leur dis. J'ai une vision du monde assez particulière, et je la partage volontiers.

Je suis rarement là où on m’attend.

Quoi que maintenant j’ai peut-être créé une attente nouvelle, à savoir que les autres savent que je vais les surprendre ! Oui, peut-être, mais ils ne savent pas comment !

En tout cas ce parti pris de ne plus être prisonnière de mes réactions et de choisir quelque chose de différent m’a rendu la vie beaucoup plus légère.

Et là, nous sommes dans une solution gagnant-gagnant.

J'aime bien ça moi. Et vous ?